Espace Jean Lurçat, exposition du 2 février au 2 mars 2019.
Je me souviens de ma fierté quand la ville de Juvisy a proposé qu’une salle de cinéma porte mon nom, c’était en 1995.
Je suis heureuse aujourd’hui de revenir à l’Espace Jean Lurçat pour partager quelques une de mes photographies.
Agnès Varda, 2019
Agnès Varda, Visages, Mouvements
L’humain comme matière
Le matériau le plus noble employé par Agnès Varda est sans doute l’Humain.
Non pas l’Humain trop humain de Nietzsche, défini uniquement à travers la morale et la psychologie, mais un Vivant bien vivant : nous entrons avec Agnès dans la dimension humaine en tant que matière…première. La curiosité, les rencontres, détermineront l’attrait vers cette « matière » qu’est l’autre.
C’est dans un va-et-vient constant entre l’autre et soi, entre l’autre comme reflet de soi-même ou alors comme miroir inversé et questionnement, que se construira une grande partie de l’œuvre de Varda, qu’elle soit cinématographique ou artistique.
« Ce sont les autres qui m’intéressent vraiment et que j’aime filmer. Les autres qui m’intriguent, me motivent, m’interpellent, me déconcertent, me passionnent » affirme-t-elle face caméra en introduction des Plages d’Agnès.
Déjà en tant que photographe, « les autres » constituaient un sujet en soi sous différentes formes : celle du portrait, comme dans ces Portraits de Cinéma témoignant d’une époque ; celle d’une réflexion sur le mouvement qu’on fixe, comme celui de ces Gens qui marchent ; celle aussi du partage et de la communion dans ces Portraits de groupes.
Enfin, dans Salut les Cubains, ce thème des « autres » devient un sujet en mutation qui, partant de l’instant photographique, prend vie et se transforme en film. Les Cubains deviennent alors la partition d’un film rythmé et découpé mais mélodique.
Agnès interroge aussi simplement les gens qui jalonnent sa vie pour questionner les images. Cela se traduira par une mise en abyme avec le film court Une minute pour une image.
L’humain montré par Agnès est une matière vivante : soit il est en mouvement, soit il s’agrège en groupe, soit il est en relation directe avec la photographe ou le spectateur qu’il regarde dans les yeux. L’autre est une figure dans le temps, une rencontre brève mais qui s’éternise.
Pour cette exposition à Juvisy j’ai souhaité rassembler ces « autres » qui mettent en lumière la dynamique de l’échange et du partage, plutôt que la fascination figée. Car chez Agnès Varda tout ce qui est interpellé par l’image demeure vivant, éternellement vivant…
Julia Fabry